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En créant un nouvel abus de droit fiscal, se concentrant non plus sur la recherche, par un acte, d’un but « exclusivement fiscal », mais sur la recherche d’un but « principalement fiscal », la Loi de finances pour 2019 offre à Bercy le pouvoir de fermer les yeux sur tout autre but pouvant motiver un acte en ne retenant que le potentiel gain fiscal qui en émanerait. Aussi l’Administration possède désormais le pouvoir de remettre en cause des actes autrefois licites au détriment, bien sûr, de la sécurité juridique du contribuable.

À compter du 1er janvier 2020, un acte, peu importe sa forme ou son contenu, pourra être qualifié d’abus de droit fiscal au sens de l’art L64 A du Livre des Procédures Fiscales, du moment qu’il poursuit un but « principalement » fiscal, et non plus un but « exclusivement fiscal ». Mais qu’est-ce qu’un but « principalement fiscal » ? La loi est malheureusement silencieuse sur ce point.

Comment les services fiscaux vont-ils effectuer leur calcul pour déterminer si un acte a été conclu dans un but « principalement fiscal » ?

Se faisant, le risque est de se retrouver dans des situations ubuesques dans lesquelles, par exemple, la Loi de finances incite d’un côté à procéder à des cessions d’entreprises en vue de départ en retraite afin de bénéficier d’une exonération d’imposition sur les plus-values et, de l’autre côté, sanctionnerait un entrepreneur cédant son entreprise un jour avant son départ en retraite sous prétexte que le but de cette cession était principalement fiscal.

Comment les services fiscaux vont-ils effectuer leur calcul pour déterminer si un acte a été conclu dans un but « principalement fiscal » ? Vont-ils procéder à un simple calcul mathématique ? Comment être sûr de ne pas risquer d’être accusé d’avoir commis un abus de droit pour, par exemple, une donation de parts sociales d’un parent à ses enfants en bas-âge, avant de les vendre pour le bénéfice de ces derniers, tout en échappant à l’imposition sur les plus-values, et quand bien même il y aurait eu dépouillement immédiat et irrévocable de son auteur ? En effet, le but recherché est évidemment principalement fiscal, mais pas seulement, il peut être simplement d’assurer un capital à sa progéniture. Aussi, comment l’Administration va-t-elle quantifier un but, un avantage recherché qui n’est pas financièrement valorisable ?

Malgré l’insécurité juridique ambiante, il faut noter deux points louables à cette réforme : l’un concernant la charge de la preuve, l’autre concernant les sanctions de ce « mini-abus de droit fiscal ».

Sans même se pencher sur les risques réels que ce changement de définition implique, il apparaît que cette notion de « principalement fiscal » va à l’encontre du principe de sécurité juridique. Le Conseil d’Etat, en 2006, énonçait déjà dans son rapport public que : « le principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu par le droit applicable. Pour parvenir à ce résultat, les normes édictées doivent être claires et intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à des variations trop fréquentes, ni surtout imprévisibles ». Où se trouve la clarté dans le caractère « principalement fiscal » ? Où est passée la prévisibilité avec ce changement ? Bercy aura certainement à cœur, devant l’inquiétude des praticiens, de préciser toutes les modalités de ce que la doctrine appelle déjà « mini abus de droit fiscal », avant sa mise en application en 2020.

Toutefois, deux points louables de ce nouvel abus de droit fiscal sont à noter. Tout d’abord, la charge de la preuve de l’abus de droit fiscal pèsera toujours sur l’Administration, que le Comité de l’abus de droit rende un avis en adéquation avec les rectifications des services fiscaux, ou non. En cela, la Loi de finances pour 2019 procède à une réelle amélioration des conditions dans lesquelles un contribuable se retrouve lors de la mise en œuvre d’une procédure d’abus de droit. Enfin, pour le moment, en dehors des sanctions propres aux infractions de droit commun que sont les manœuvres frauduleuses ou les manquements délibérés, aucune sanction propre à l’abus de droit n’est, pour le moment, applicable à ce « mini abus de droit fiscal ». Cette absence de sanctions spécifiques est due à la volonté du législateur de ne pas voir sa proposition retoquée par le Conseil Constitutionnel comme en 2013. Il convient cependant de rester prudent, Bercy voulant consulter les praticiens avant l’entrée en vigueur de la disposition, rien n’empêche que, dans les prochains mois, la situation ait changé quant aux sanctions.

Finalement, en laissant de côté la sécurité juridique des contribuables et en instaurant un flou autour de la notion d’abus de droit, la Loi de finances pour 2019 fait courir un risque certain sur les opérations et les contribuables. Toutefois, en faisant peser le fardeau de la preuve sur l’Administration et par l’absence, pour le moment, de sanctions spécifiques à ce « mini abus de droit fiscal », elle s’est montrée quelque peu rassurante, à charge pour Bercy d’opérer des précisions dans les mois à venir.

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